Jacques et l'orpaillage
Le livre de Jacques débute par une formule dont l’énoncé semble inoffensif, tant il paraît presque impossible à vivre. Je te propose ce matin d’y jeter un regard attentif.
« Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’épreuve de votre foi produit la persévérance. Mais il faut que la persévérance accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien. »
En considérant ce passage comme une injonction au bonheur et à la joie, presque comme une promesse faite au croyant, je me suis pourtant longtemps senti étranger à cette parole. Je n’arrivais pas à en saisir la profondeur ni l’angle de vue.
Puis un souvenir est venu m’éclairer.
En 2000, mon frère et moi rendons visite à notre père en Guyane. Il nous emmène sur un site d’orpaillage, sans doute illégal, en pleine forêt amazonienne, accessible uniquement par hélicoptère.
Le lit entier d’une rivière est pompé, retourné, filtré par des moteurs impressionnants, dans un vacarme assourdissant mêlant mécanique lourde et trombes d’eau, pour collecter quelques paillettes, quelques granules, parfois une pépite d’or brut.
Au-delà du désastre écologique et humain, dont nous avons pris conscience plus tard, une question s’imposait : à quoi servait tout cela ?
Pourquoi tant d’hommes, tant de machines, tant de violence déployée pour un butin dont le volume mensuel tiendrait à peine dans une bouteille d’eau vide ?
Combien de tonnes d’eau et de terre, combien de force et de vies engagées pour quelques grammes d’or ?
C’est pourtant ce regard que Jacques me propose d’adopter.
Pour y parvenir, je te propose deux clés.
Premièrement, le mot « épreuves » de la première partie du texte devient, dans la seconde, « l’épreuve de la foi ». Et cela change tout.
Ce que tu traverses n’est pas une épreuve en soi, mais l’épreuve de ta foi.
Et ma prière ne porte pas sur le problème, mais sur l’exercice de mon adhérence à Dieu. Non pour fuir l’épreuve, mais pour y demeurer aligné.
Non pour reprendre le contrôle, mais pour consentir à l’œuvre en cours.
Dans ce processus, ce sont parfois des trombes entières de matière qui sont soulevées dans ta vie. Tout remonte à la surface : souvenirs, peurs, doutes, résistances, zones troubles. Le vacarme est réel. Le mouvement est violent. Et il t’arrive même de te sentir simple spectateur de ton propre récit, comme si quelque chose te dépassait.
C’est précisément là que Jacques t’invite à un positionnement intérieur différent.
Non pas une joie forcée, non pas un déni, encore moins une naïveté spirituelle.
Mais une joie consciente. Un sourire intérieur qui n’ignore rien de la dureté du processus, mais qui reconnaît ce qui est à l’œuvre.
Tu n’es pas insensé. Tu es confiant.
Confiant non dans l’épreuve, mais dans la promesse.
Confiant que ce brassage, s’il va à son terme, laissera apparaître l’or.
Ce que tu vis est un orpaillage. Ce n’est pas la destruction de ta vie, mais le tri de ce qui ne peut rester. Et au cœur de ce chaos apparent, tu peux dire, sans illusion mais avec autorité :
J’ai confiance en ta promesse.
Deuxièmement, l’outil qui permettra de comprendre qu’il s’agit du cycle de perfectionnement de ta foi, d’un exercice et non d’un projet visant ta destruction, c’est la sagesse.
Or le passage nous invite explicitement à la demander, avec l’assurance qu’elle nous sera accordée. Mais de quoi s’agit-il réellement ?
Pourquoi ce mot nous semble-t-il à la fois si familier et si insaisissable ?
Comprendre ce qu’est la sagesse permet-il déjà d’y accéder ?
C’est sur ces questions que je te propose de réfléchir cette semaine.
Rendez-vous la semaine prochaine pour en discuter.
Dès cet instant, grâce à toi Christ,
je consens à l’œuvre,
j’adhère à ta promesse.